Reprendre une entreprise en 2021
Quels sont les impacts et conséquences de la crise sanitaire sur la transmission des TPE et PME en France ?
Les années 2020 et 2021 resteront longtemps dans l’esprit des chefs d’entreprise. A l’heure où cet article est écrit cette crise que nous traversons n’en est qu’à ses débuts pour beaucoup de TPE et PME. Si les deux mois de confinement ont sacrifié la trésorerie de nombreuses d’entre elles, d’autres ont pu s’en sortir mais au prix fort. Et le second confinement, bien que moins contraignant, leur a mis un second coup parfois fatal. Elles compteront sur un regain d’activité pour s’en sortir sans trop de casse. Et pour certaines d’entre elles, il faudra envisager d’autres options afin de préserver les emplois.
Nous sommes contactés tous les jours par des chefs d’entreprises de tout genre, cédants ou repreneurs, qui nous posent les mêmes questions. Et souvent avec des aprioris biaisés, ce qui met en risque leur raisonnement. Étant donné que de nombreux emplois sont en jeu, ainsi que la préservation de l’identité de ces entreprises et/ou de leur savoir-faire, il est important de disposer de certaines précisions.
Voici quelques réflexions à propos de la crise du Covid et son impact sur la reprise d’entreprise :
- Idée reçue n°1 : « C’est la crise, il y a de bonnes affaires à faire ! »
- Idée reçue n°2 : « Le prix de vente d’une entreprise baisse nécessairement en période de crise sanitaire !»
- Questionnement : « Faut-il geler tout projet d’acquisition ? »
- En conclusion : Quels sont les points de vigilance ?
« C’est la crise, il y a de bonnes affaires à faire »
Après un certain nombre de discussions sur le sujet, avec des repreneurs potentiels, des chefs d’entreprise réfléchissant à de la croissance externe, avec des confrères… la conclusion est toujours la même : si c’est dans le cadre d’entreprises mises en vente du fait de la crise, alors à 99% non, il n’y a pas de « bonnes affaires à faire ». Sauf pour les 1% qui auront de la chance.
Car aujourd’hui l’essentiel des entreprises « potentiellement » à reprendre sont des entreprises en grande difficulté. Il s’agit notamment de problématiques de trésorerie, amenant à un défaut de paiement. Si la structure n’a pu se constituer une trésorerie suffisante permettant de dépasser 2 mois de crise, et ce malgré les aides, alors il y avait probablement une fragilité préalable.
Ce qui signifie qu’elles seront à reprendre à la barre du tribunal de commerce. Les acquéreurs devront se montrer très réactifs, et compter sur la qualité de leur connaissance de la cible pour se positionner avec un risque maîtrisé. Car les mandataires judiciaires auront malheureusement beaucoup de travail, probablement peu de temps pour traiter chaque affaire, avec des dossiers moins fournis et approfondis que d’usage.
Ainsi à moins de déjà connaître la cible (avant la crise), d’avoir bien étudié le dossier en amont, se risquer à reprendre une affaire dans des délais aussi courts s’avère tout au moins discutable.
Pour ceux qui auront « la chance » de bien connaitre la cible, d’avoir identifié les raisons qui font qu’elle se retrouve dans cette situation suite à la pandémie, alors le risque est mieux maîtrisé. A condition de disposer des fonds pour l’acquisition bien sûr, car il ne faudra pas compter sur les banques pour participer à hauteur de ce qu’elle aurait financé en temps normal. Le recours à un courtier en financement peut permettre de faciliter les choses, notamment en termes de faisabilité et de délais.
Pour les autres, à moins de disposer de fonds significatifs permettant de financer des dossiers en « demi-aveugle » avec un niveau de risque élevé, les seules « bonnes affaires » possibles sont les entreprises à céder mais pour des raisons plus standard de changement de vie, nouveaux projets du cédant ou départ à la retraite.
« Le prix de vente d’une entreprise baisse fortement en période de crise sanitaire »
Certains repreneurs étaient en cours de discussion sur des dossiers avant le début du premier confinement, puis en fin d’année 2020 et sont revenus vers nous en demandant si le prix des affaires en vente était revu à la baisse. Cela amène à considérer ce qui constitue la valorisation d’une entreprise, sujet déjà abordé dans des articles précédents pour ceux qui chercheront plus de détails.
La réflexion qui doit être menée est la suivante : l’entreprise est-elle impactée sur le moyen terme ? Est-ce que la crise va avoir un impact au-delà de la période de crise sanitaire, après la cession effective ?
Si c’est le cas, alors effectivement si l’acquéreur risque de reprendre une entreprise dont l’activité va être impactée négativement pendant les 6/12/18 mois suivant l’acquisition, effectivement le prix de cession doit être revu. Différentes options sont possibles, par exemple la transformation d’une partie du prix en variable conditionnée via une clause d’earn-out.
S’il se trouve que du fait de ses spécificités et le marché, l’activité va retrouver dans les mois à venir un rythme identique à ce qui était avant la crise, alors pourquoi le prix devrait-il être revu à la baisse ?
Certains seraient tentés de répondre : « parce que le résultat de l’exercice va nécessairement être moindre ». C’est un fait. Le résultat de l’exercice va être impacté par un événement ponctuel, non structurel, qui va réduire les bénéfices des années 2020 et 2021. A moins de considérer que la pandémie puisse se reproduire exactement dans les mêmes conditions en 2022 (ce qui est peu probable, puisque les états ne vont pas détruire le matériel médical et les scientifiques ne vont pas oublier ce qu’ils ont appris), ou qu’une autre pandémie ne se déclare (dans ce cas pourquoi ne pas aussi envisager qu’une météorite peut détruire la terre – ce qui est possible – et investir son argent dans un projet de navire intergalactique), cela n’impactera que le cédant dans sa distribution de dividendes pré-cession.
Et la notion de réitération d’une pandémie mondiale (sans parler d’une Xème vague qui aurait très probablement lieu avant le closing de la reprise que vous visez) est un risque qui était tout autant présent avant 2020/2021 qu’après. Personne n’est capable de dire où, quand et comment, à chaque chef d’entreprise de réagir selon ses considérations. Notre article rédigé sur le sujet apportera des éléments de réflexion à ceux qui le souhaiteront.
En conclusion, il n’y a pas de généralité, néanmoins de grande lignes se dessinent et la logique permet d’appréhender l’essentiel : cela dépend fortement de l’activité et de son exposition à moyen et long terme.
« Faut-il geler tout projet d’acquisition sur l’année à venir ? »
En considérant que l’on ne parle ici que de la reprise d’entreprises en difficulté du fait de la pandémie, tout dépend des raisons amenant à envisager l’acquisition.
Une entreprise qui avait prévu dans son plan stratégique une acquisition, qui dispose d’un plan de financement adapté au nouveau contexte et qui a trouvé la bonne cible n’a aucune raison de ne pas finaliser l’acquisition malgré le contexte.
Bien évidemment elle devra bien considérer l’impact à court et moyen terme afin de se positionner de manière cohérente (cf paragraphe précédent).
Si on considère l’hypothèse où la reprise d’entreprise est envisagée pour profiter d’un « effet d’aubaine », il s’agit alors d’une position bien plus risquée, et il est indispensable de réfléchir à deux aspects importants :
- Le niveau de Risque/Récompense ou, autrement dit, le ROI : en investissant (souvent pas grand-chose, mais en reprenant des dettes) dans une entreprise en difficulté, quel est le risque encouru par rapport au gain potentiel si tout se passe « correctement » ? Par exemple si votre rentabilité moyenne est déjà de 25 %, et que votre potentiel risque/récompense en reprenant l’affaire en difficulté est de 15%, cela signifie (en simplifiant le raisonnement) qu’en termes d’investissement vous avez tout intérêt à réfléchir à plutôt investir sur votre activité ; vous aurez moins de risque et plus de rentabilité.
- Attention à ne pas se mettre en danger juste pour « éventuellement faire une bonne affaire ». Il est difficile pour beaucoup de chefs d’entreprise de se projeter à 6 ou 12 mois malgré leur expertise et leur connaissance du marché du fait du caractère inédit de la crise actuelle. Il est donc important de disposer d’une base financière solide et de ne pas prendre le risque de mettre à mal l’activité de son entreprise jusque-là in boni.
Ainsi le contexte actuel ne doit pas nécessairement stopper toute action, mais doit amener à bien (ré)étudier les dossiers et ; en l’occurrence, ne pas hésiter à se faire accompagner par des conseils tiers, qui apporteront un point de vue extérieur souvent précieux. Les spécialistes de la cession d’entreprise pourront eux constituer un intermédiaire pour prendre contact avec des cibles potentielles, plutôt que de les attaquer « de front », ce qui peut ne pas être bien pris par ces chefs d’entreprise qui luttent déjà pour permettre à leur entreprise de survivre.
En conclusion – les points clés pour reprendre une entreprise touchée par la crise du Covid-19 :
- Rares seront les bonnes affaires, nombreuses seront les opportunités de faire le mauvais choix.
- Cela ne signifie pas qu’il faille stopper tout projet d’acquisition, mais qu’il faudra redoubler de vigilance et être bien accompagné pour ne pas passer à côté d’un point clé.
- Tant pour la discussion du prix de cession que pour envisager le business à venir, une étude consciencieuse de l’impact court/moyen/long terme de l’activité doit être menée.
Spécialistes de la cession d’entreprise, nous accompagnons et conseillons les chef(fe)s d’entreprise dans leurs projets de cession ou d’acquisition.
Synthèse :
Des bonnes affaires à faire ?
Pour beaucoup les « bonnes affaires » risquent de se transformer en mauvaises surprises ; reprendre une entreprise à la barre du tribunal de commerce sans bien la connaître peut amener à fragiliser une structure existante qui elle même tournait bien. Les mandataires judiciaires sont et seront pendant un moment submergés de dossiers, à tâcher de faire au mieux, mais ils ne pourront se démultiplier. Certaines informations risquent de n’apparaître qu’une fois la reprise effectuée, et certaines surprises peuvent faire mal. Mais pour ceux qui auront la chance de déjà connaître leur cible en amont, cela peut devenir un atout.
La baisse des prix de vente ?
L’évolution du prix de vente va dépendre notamment d’une chose : l’entreprise et le secteur d’activités ont-ils été impactés à court, moyen et long terme ?
Sans impact sur le futur de l’entreprise, cela reste un élément conjoncturel qui n’a aucune raison d’impacter le prix. Certains environnement feront qu’il y aura éventuellement une légère baisse, mais d’autres pourraient favoriser une légère hausse du prix de cession.
Faut-il tout arrêter pour l’instant ?
Tout dépend du contexte de l’acquéreur et de sa stratégie. Oui si l’entreprise acquéreuse est elle même en difficulté à cause de la crise, mieux vaut gérer un problème à la fois. Non si l’acquisition s’inscrit dans une stratégie définie et cohérente.
Certains ont comparé la crise générée par le Covid et le confinement à la crise de 1929, en oubliant de considérer les fondamentaux : la crise de 1929 était structurelle, la pandémie est elle conjoncturelle.
Spécialistes de la cession d’entreprise, nous accompagnons et conseillons les chef(fe)s d’entreprise dans leurs projets de cession ou d’acquisition.